PASSÉ MINUIT,
DR SCHWEITZER

Auréolé de son prix Nobel, Schweitzer s’apprête à repartir pour Lambaréné quand une véritable cabale s’organise contre lui. Des intellectuels, aussi bien africains qu’européens, tirent à boulets rouges sur celui qu’ils considèrent alors comme un « affreux colonialiste » qui ne dit pas son nom.

Schweitzer est blessé et profondément découragé. Il faudra tout l’enthousiasme de sa femme, Hélène, et de l’un de ses collaborateurs africains, pour qu’il reprenne, une fois encore, le chemin de Lambaréné.

Passé minuit, Dr. Schweitzer entend relire l’histoire avec mesure. On a fait d’Albert Schweitzer un saint, ce qui était une erreur, puis le symbole même de la colonisation, ce qui était une autre erreur !

Pour les 150 ans de sa naissance, le Bateau-Lune remet en lumière le légendaire Albert Schweitzer, médecin sanctifié avant d’être banni.

Pour marquer le 150e anniversaire de la naissance d’Albert Schweitzer, le Bateau-Lune crée « Passé minuit, Dr Schweitzer », une pièce originale qui partira ensuite en tournée en Alsace et en Suisse romande.

Nous sommes à Gunsbach, en Alsace, en 1951. Entre conférences, publications et concerts d’orgue, Schweitzer s’apprête à repartir pour un énième voyage à Lambaréné. Mais tout à coup le projet chancelle. En effet, non seulement ses prises de position récentes contre l’arme atomique, lui font perdre quelques soutiens financiers importants, mais des médias, qui l’encensaient quelques années plus tôt (« L’homme le plus important du monde » titrait Life), se mettent à le critiquer avec une rare violence. Celui qui passait pour un saint est présenté maintenant comme un affreux colonialiste, tyrannique, paternaliste et raciste. Schweitzer est profondément blessé et découragé. Et il faudra tout l’enthousiasme de sa femme Hélène et d’un collaborateur africain, Joseph, pour qu’il reprenne le chemin de Lambaréné.

 

« Passé minuit, Dr Schweitzer » entend relire l’histoire avec mesure. On a fait de lui un saint, ce qui était une erreur, puis le symbole même de la colonisation, ce qui était une autre erreur.

Humaniste avant tout

Destin singulier que celui de ce fils de pasteur né en 1875. Théologien, philosophe et organiste de talent, spécialiste de l’œuvre de Bach, il entame à 30 ans des études de médecine, tournant le dos à une carrière universitaire et part pour l’Afrique profonde, avec le projet d’«expier» les crimes de la colonisation – qu’il a dénoncés en chaire –, et plus modestement de «réparer» ce qui peut l’être en ces contrées ravagées par de terribles maladies. Pour lui, il s’agissait donc d’incarner l’Evangile, plutôt que de le prêcher.

Cette démarche – exceptionnelle – n’est comprise ni par ses proches ni par ceux qui lui prédisaient une très grande carrière académique, ni même par le grand Widor, son professeur d’orgue, qui plaçait en lui toutes ses espérances.

Ainsi Schweitzer crée-t-il, sans aucune aide officielle, l’hôpital de Lambaréné. Plus exactement le village-hôpital car il a tout de suite saisi qu’en Afrique noire, si une personne souffrante peut être prise en charge et soignée, c’est accompagnée de toute sa famille. Ce sera l’œuvre de sa vie, financée en grande partie par des tournées de concerts en Europe.

Une action sur le terrain jamais dissociée d’une réflexion philosophique et morale autour du principe du «respect de la vie» : la vie comme mystère mais aussi comme valeur à révérer, en tous les êtres, en autrui, en chacun de nous. C’est ce qui fait de Schweitzer le précurseur d’un écologisme raisonné et le rapproche de l’humanisme «décentré» de Lévi-Strauss («qui place la vie avant l’homme»). C’est à ce titre que, fort de son Prix Nobel, il militera contre l’arme nucléaire, s’attirant les foudres aussi bien de la France que des Etats-Unis.

Hélène Bresslau-Schweitzer, une compagne indispensable

Hélène Bresslau a partagé la vie d’Albert Schweitzer pendant 45 ans. Née à Berlin en 1879, elle suit son père, Harry Bresslau, professeur d’histoire médiévale à l’Université de Strasbourg à partir de 1890. Hélène Bresslau est une jeune fille cultivée, qui voyage souvent et qui chante dans le chœur de l’église St-Guillaume à Strasbourg. Sa relation avec Albert Schweitzer débute en 1901, à travers une correspondance forte de 637 lettres échangées.

Elle s’engage dans les services sociaux de la ville de Strasbourg, devient inspectrice des orphelinats et crée un foyer pour mères célibataires. Résolue à suivre Schweitzer en Afrique, elle se lance dans des études d’infirmière. Tous deux se marient à Gunsbach, le 18 juin 1912, quelques mois avant leur départ pour le Gabon.

Pour Albert Schweitzer, Hélène était plus qu’un simple « soutien ». L’échange intellectuel avec cette femme intelligente et sensible était vital pour lui. Soutien indéfectible, Hélène Schweitzer corrigeait souvent les textes avant leur impression et, grâce à ses conférences en Europe et aux États-Unis, elle a apporté une contribution significative au financement de l’hôpital.

TEXTE

Jean NAGUEL

SCÉNOGRAPHIE & MISE EN SCÈNE

Jean CHOLLET

JEU

Hubert CUDRÉ
Sylvie BOIVIN
Blanchi LUSALAO